Introduction :
En préparation à l'UTMB 2007, un groupe de l'Avia est parti en randonnée sur le GR20. Comme souvent lorsque l'expérience est inoubliable, je fais un compte-rendu...
La randonnée :
« Tu as une marque à cet endroit là, tu peux mettre la main ici et le pied là. Allez c’est bon, ça va passer. Il faut continuer à monter. ». J’entends encore les paroles d’Anne-Paule sur ce GR20 du mois de juin…
Elles m’étaient adressées, à moi, le non montagnard, qui s’est accroché avec une boule d’angoisse dans les tripes sur les parties les plus techniques et les plus vertigineuses. Malgré mes appréhensions, je m’étais promis d’avancer sans rien dire, de prendre mon courage à deux mains et d’aller au bout, bref, de pas faire chier quoi.
Le GR20 me fait rêver depuis longtemps. Jean-Baptiste m’en avait parlé lors d’une de nos randonnées et j’en ai eu pas mal d’échos sur ses caractéristiques, sa difficulté et ses paysages à couper le souffle. Je savais que cela serait difficile pour moi.
Le GR20 est réputé pour être le GR le plus difficile d’Europe. En temps normal, il s’effectue en 15 étapes avec une possibilité de doubler par moments. Nous, nous avons décidé de doubler toutes les étapes en tentant un pari fou de boucler tout le GR20 en 7,5 jours.
L’objectif n’a pas été réalisé. Il aurait fallu avoir un temps sans pluie pendant la randonnée et encore, avec la fatigue, il n’est pas sur que nous aurions pu tous tenir le coup jusqu’au bout. Pour bien faire, je pense que 9/10 jours est un bon compromis, cela permet de gérer les aléas météo et la fatigue.
Malgré tout, nous avons terminé 11 étapes sur 15, plus une grosse étape de liaison qui aurait pu facilement remplacer la 12ème. De plus, nous avons effectué la partie la plus difficile et de loin, à savoir tout le GR Nord. Nous avons vu la différence à partir de Vizzavona, la rocaille et les sommets enneigés laissent la place à de beaux chemins serpentant à travers la forêt de pins. Mais rassurez-vous, même en bas ça grimpe.
Autre aspect contraignant du GR20 : l’hébergement. Après 12/13 heures de marche, une bonne récupération est nécessaire tant au niveau de l’alimentation que du sommeil. Or, les refuges sont assez sommaires. On peut compenser ces manques en se chargeant de nourriture et d’une bonne tente mais du coup, le sac est nettement plus lourd et l’objectif de doubler les étapes est donc beaucoup plus difficile à tenir, voire impossible. Une quadrature du cercle en quelque sorte. Une autre solution est de faire comme deux québécois que nous avons rencontrés, un sac de 10 kg avec la bouffe pour la semaine, l’eau, un sac de couchage et… c’est tout... Derrière il faut accepter certaines concessions en matière d’hygiène corporelle. C’est l’occasion de développer son côté trappeur canadien… très peu pour moi Tabernacle !
Nous sommes 11 au départ de Calenzana au nord de la Corse. Après une course poursuite depuis Bastia pour rendre les voitures de location avant 20 heures, nous voici tous installés au gîte près du départ. Le groupe est composé du noyau habituel de givrés : Jean-Baptiste bien sûr, Valérie, Caroline, Yolande, Bernard, Anne Paule, Jean-Michel, Christophe et moi-même. Beaucoup sont déjà expérimentés. Deux nouveaux, Lamia et Eric, se sont joints à l’aventure.
L’objectif au départ de réduire le poids des sacs au maximum est facilement atteint. Ce sera maximum 10 kg sans l’eau voire beaucoup moins pour certains. Nous avons fait l’impasse sur les tentes et la nourriture. Les vêtements seront lavés au fur et à mesure. Rien à voir avec certains muletiers qui se trimballent leurs 20 kg sur les pentes. Pas étonnant qu’ils arrivent complètement cuits aux refuges.
Jour 1 : Calenzana - Ortu – Carruzu
Deux étapes sont prévues ce jour là. Les conditions météo et la neige nous font prendre une variante d’Ortu à Carruzu.
Petit déjeuner au restaurant « le GR20 » au pied du sentier et première averse de pluie, heureusement très brève. Au départ de Calenzana, la messe est dite, le GR20 est un exercice de grimpette et il faudra monter… Ainsi, avoir traversé les ruelles endormies, l’Avia prend le maquis. Ca tombe bien, j’ai des cuisses à forger pour le mois d’Août et je dois mettre le paquet.
Nous attaquons le col de Bocca Saltu. Jusque là, rien de difficile bien que la montée soit assez raide. Le type de chemin annonce tout de suite la couleur, c’est de la rocaille, que de la rocaille, encore de la rocaille. Le chemin est constitué de marches en pierres plus ou moins hautes bordées par des fougères. Je monte avec Anne Paule et nous sommes persuadés que Jean-Michel est devant donc on trace. Au passage du col, il fait froid et toujours pas de Jean-Michel, on continue donc à tracer…
Nous découvrons après le col un des grands standards corse : la crête suivie de la barre rocheuse. J’avoue que pour moi c’est une grande première. Il faut escalader des rochers avec les mains, se hisser, flirter avec le vide, suivre des marques rouges et blanches, redescendre, suivre une crête, etc. Anne Paule est assez à l’aise dans cet exercice, personnellement, je ne suis pas très fan. Elle le sent d’ailleurs bien, elle reste avec moi, j’ai du bol... En revanche, les paysages sont somptueux, à croire que plus la route est difficile, plus la récompense est belle. Le groupe est finalement derrière nous, Jean-Michel compris.
Nous arrivons à Ortu assez rapidement, 4h au lieu de 6 sur le topo, nous avons doublé la plupart des randonneurs partis plus tôt. Attention, l’Avia a encore frappé, le groupe annonce la couleur dès le départ et ça ne rigole pas. Après un pique-nique dans le refuge, nous repartons, il ne fait pas très chaud et il pleut de manière intermittente. Les autres randonneurs nous regardent partir, certains ne sont même pas encore arrivés au refuge. Pas de GR20 pour rejoindre Carruzu, le chemin «officiel» est classé très difficile et nous ne savons pas quelles conditions nous trouverons là-haut. Prudent, JB nous fait prendre une variante. Une longue descente de 900 D- puis une montée de 650 D+ sont au menu.
La descente est très agréable, dans une grande forêt de pins bordée par une rivière. Je fais la montée au taquet derrière AP qui me met quand même 2 minutes dans la vue. Le refuge n’est pas accueillant, la douche se fait au ruisseau avec une eau glacée et le repas est tout simplement scandaleux.
Jour 2 : Carruzu – Asco
Très belle étape qui commence tout de suite par des dalles de rochers le long de splendides parois. Très rapidement, nous traversons une rivière par une grande passerelle. Deux randonneurs décident de la franchir avec moi ou plutôt moi avec eux, et bien sûr, ça bouge beaucoup ! La passerelle est assez impressionnante. Dans la montée qui suit, il faut mettre les mains, les bâtons ne sont pas très utiles. Malgré tout l’ascension est très agréable, il faut juste penser à ne pas glisser. A plusieurs endroits, des mains courantes assurent la sécurité lorsque le précipice flirte trop près du chemin. Mais c’est beau, très beau.
Puis on bascule de l’autre côté, j’ai une belle frayeur, 3 mètres à faire collé à la paroi avec du vide derrière. JB a beau me dire que ça ne glisse pas, mon cerveau tourmenté en a décidé autrement… mais ça passe… à l’arrache comme d’hab. La traversée de la crête est un peu technique, il faut passer doucement, bien prendre son temps, assurer ses prises. Sur ce type de terrain, nous ne gagnons pas trop de temps. Ensuite, c’est une longue descente jusqu’à Asco. Comme toutes les descentes que nous aurons, elle est éprouvante car les rochers empêchent de prendre des appuis et les genoux souffrent. Là-bas, refuge, gîte et hôtel nous attendent.
La météo s’annonce mauvaise, nous décidons de rester l’après midi à Asco et de ne faire le cirque de la solitude que le lendemain. Nous logeons dans le gîte de l’hôtel où nous sommes seuls. A midi, Anne-Paule a la bonne idée de fêter son anniversaire. En cadeau, un joli string en dentelles dont je ne pourrai pas profiter pendant la nuit. Il pleut quasiment tout l’après midi et c’est l’occasion de jouer au tarot, de se reposer et de boire quelques bières locales. Les images de Roland Garros à la télé me paraissent lointaines.
Jour 3 : Asco – Hôtel de Verghio
Deux étapes ¼ à faire dont le fameux Cirque de la Solitude. Nous grimpons jusqu’au col par une belle montée très agréable tout d’abord dans la forêt puis sur un long chemin rocailleux rougeâtre. C’est un peu plus de 700m D+ qu’il faut franchir. Nous découvrons notre premier lac de montagne. La fin de la montée est très pentue, quelques raides névés et des passages de rochers à escalader nous emmènent au bord du cirque.
Là, c’est une surprise, presque un choc. Le cirque est une immense cuvette rocheuse. La descente est très raide, elle me parait impossible et dangereuse. Mon regard se porte sur Caroline et je lis de l’angoisse sur son visage. Les paysages sont néanmoins grandioses, impressionnants.
La descente est laborieuse, interminable, surtout le début, à tel point que je me demande par où il faut commencer. Les bâtons sont rangés depuis longtemps. AP me soutient, je descends la plupart du temps sur les fesses, sans aucune technique, à l’arrache totale. Il y a du monde autour, la prudence est de mise, pas question de glisser vers l’avant, une chute est vite arrivée. Lorsqu’on arrive en bas, eh bien il faut remonter…
Je m’aperçois que la montée est plus raide que la descente mais bizarrement, ça se passe beaucoup mieux, peut-être l’expérience de la Via Ferrata des Aiguilles Rouges. La 1ère partie est presque verticale, de longues chaînes permettent de progresser sans encombre, chacun attend que la personne devant atteigne un nouveau segment de chaîne pour avancer. J’ai Bernard devant et Anne-Paule derrière. Il y a même une échelle. Valérie nous fait une grosse frayeur en perdant pied une fois et sans l’aide de Jean-Michel, elle lâchait la chaîne pour glisser quelques mètres plus bas, voire beaucoup de mètres plus bas. Plus de peur que de mal. La 2ème partie est plus vicieuse, un mélange de terre et de roche rend la montée instable et une chute de pierre est toujours possible.
Une fois le sommet atteint, Bernard déclare, « putain le GR20 c’est pas un truque de tafiottes ». Cela a pour effet de me libérer de mon stress et j’aborde la prochaine partie complètement détendu. La descente vers le refuge de Tighjettu est une partie de plaisir, longue et régulière, elle n’offre aucune difficulté. J’essaye de tracer avec Christophe et Jean-Michel et nous doublons tous ceux qui nous avaient grillés la politesse dans le cirque de la solitude. Nous pique-niquons près d’une bergerie 30 min après le refuge.
La montée du col de Foggiale est assez éprouvante avec plus de 500m D+. Il faut franchir une barre rocheuse et l’étape du matin est encore dans les jambes. Anne Paule me colle aux fesses lorsque le chemin devient technique. Pour info, technique = bâtons inutiles et on met les mains dans le cambouis, une sorte d’escalade light pour alpinistes du dimanche.
Nous décidons de zapper aussi le refuge suivant, Ciuttullu di i Mori, pour aller sur Castel di Vergio. De toute manière, il n’y a pas de place et le gardien est persuadé que les corses ont inventé le coca, aberration suprême pour Jean-Michel ! Depuis le refuge, le topo indique 2h20 jusqu’à Castel di Vergio, un hôtel/gîte qui sera certainement plus agréable. Nous mettrons 3 heures pour le rejoindre alors que nous avons un très bon rythme. La descente est longue mais magnifique. Nous longeons une rivière le long d’une vallée rocheuse très encaissée.
Nous arrivons à l’hôtel en début de soirée après une longue étape de 13 heures. Nous jetons notre dévolu sur le gîte d’étape qui est propre et en excellent état. Le repas du soir est aussi très correct.
Jour 4 : Verghio-Manganu – Petra Piana
Autant annoncer la couleur tout de suite, ce fut pour moi la journée la plus éprouvante de la semaine de même que la soirée et la nuit qui ont suivies.
Jusqu’à Manganu, l’étape est très agréable. Nous débutons par un long sentier dans la forêt de pins larricio. C’est superbe, varié et les paysages sont somptueux. Ensuite nous entamons une montée assez raide pour atteindre le col Saint-Pierre avec environ 400m D+. Sur ces montées assez faciles techniquement, Anne-Paule marche à son rythme et me devance toujours de ses 2 minutes habituelles au sommet. Néanmoins, le physique suit et c’est plutôt rassurant.
Après le sommet nous arrivons au lac de Nino avec une eau qui semble noire, entouré de ses pozzines, des étendues d’herbe très humides. Autour, nous apercevons de nombreux chevaux sauvages. La zone est protégée et magnifique. Après une longue traversée assez plate le long d’un chemin assez détrempé, nous apercevons le refuge de Manganu. Un petit coup de cul pour y parvenir et nous y sommes vers midi. JB décide de profiter de notre avance pour continuer un peu et manger en ayant commencé la seconde étape.
Je demande au gardien du gîte : «c’est long la suite ?» Le Gardien : «4 à 5 heures si vous êtes sportifs» Moi «Et c’est technique ?» Le Gardien «Non pas vraiment mais il y a quelques passages délicats où il faudra être prudent sur environ 100m. Il y a beaucoup de neige là-haut. D’ailleurs, votre copain là avec ses tennis (il me montre Christophe), il ne pourra pas passer». S’il y a un mot que je souhaiterai bannir de mon vocabulaire, c’est «délicat». Il correspond souvent au terme soft de «dangereux» Bref, je sens qu’on va encore s’amuser dans les rochers… et les névés.
Du coup, je psychote un peu, la suite me donnera raison. Après une première montée courte et assez raide, nous abordons un replat sur lequel nous décidons de déjeuner. On aperçoit la brèche de Capitello (2225 m) ou plutôt ce qui va vers la brèche : un mur de rocher dans le brouillard parsemé de neige. Autant dire qu’au premier abord, la suite de la balade n’est pas super engageante.
JB part en éclaireur pour réserver le gîte. Le groupe s’organise, Jean-Michel en tète ouvre la voie et Christophe en queue de peloton pour s’assurer que tout le monde suit. Merci à eux pour la gestion du truc. Anne-Paule me suit, elle me connaît, gère mes faiblesses et me sécurise. J’en aurais fait autant avec une bouteille de plongée à 20 mètres de profondeur… bref, chacun son truc quoi. Sauf que là, l’eau n’est pas en bas mais tombe du ciel. Eh oui, il pleut, une fois de plus.
On avance tranquillement mais sûrement. Le groupe s’accroche car il faut avouer que cette ascension est assez impressionnante. Après un névé quasiment vertical, le groupe arrive au sommet. Cependant, la neige est très humide et molle, les marques sont bien faites et les risques de glissade sont quasi nuls. Depuis le refuge de Manganu, nous avons franchi environ 700m D+ et nous apercevons les lacs de Capitello et de Melo depuis la brèche. Dommage que le ciel soit aussi couvert.
Vient ensuite l’épisode «sauvetage des alpinistes par le groupe». Nous entendons depuis plusieurs minutes des cris de personnes visiblement en difficulté «Au secours» «A l’aide» «Aidez nous», c’est une voie de femme. Nous appelons les gendarmes qui viendront les chercher peu après en hélico. Ils seront sauvés mais cet épisode nous a bien secoué.
Pendant notre appel, la pluie se met à tomber fortement et nous sommes encore loin d’en avoir fini avec cette étape. Qui dit brèche dit descente ensuite. Eh bien non, la descente c’est pour bien après, nous longeons une crête pendant deux ou trois heures parsemée de quelques passages techniques, voire périlleux. Neige, pluie, humidité, rochers glissants, dévers vertigineux, cette partie met nos organismes et notre endurance à l’épreuve. On se demande en permanence quand nous allons redescendre. A un moment donné, nous remontons même de 200 mètres à travers un pierrier technique et glissant. Après plusieurs heures, la descente semble cette fois s’amorcer, il y a du brouillard, encore quelques névés à franchir, des ruisseaux à longer, à traverser, on patauge dur. Les pieds sont trempés malgré les guêtres et les chaussures en goretex.
Nous arrivons assez tard dans un refuge bondé. Le gardien me saute dessus pour me demander d’appeler les gendarmes. J’obtempère. Il faut leur dire que le groupe est bien arrivé. Un couple d’Allemands qui nous a doublé sur la brèche a laissé entendre qu’on était en difficulté. On a téléphoné certes mais ce n’était pas pour nous ! Un gros quiproquo qui inquiété inutilement JB arrivé bien plus tôt. On lui avait dit que notre groupe avait été récupéré par l’hélico et que nous étions tous à la gendarmerie de Corte.
Les organismes ont beaucoup souffert. Nous apprenons qu’il faudra dormir par terre. Pas de place pour mettre les sacs, faire sécher ses vêtements, manger, dormir, la douche et les chiottes sont dehors, il pleut fort, il fait froid, ça sent le grand moment de solitude. Eric s’éclate de rire en voyant ma mine déconfite. Personnellement, dans ce genre de situation, je me renferme sur moi-même et j’attends que ça passe. Ca ne sert à rien de se lamenter.
Le gardien s’avère très arrangeant et finalement très accueillant. Une bonne soupe et du vin corses nous remontent le moral. La douche attendra le lendemain soir et on se casera comme on peut pour dormir sur un matelas dans la salle à manger lorsque tout le monde aura terminé son repas. Nous rencontrons 2 québécois battis comme des armoires normandes qui ont décidé de doubler sur 8 jours. Partis à 6 au départ du Sud et ne sont plus que 2. La nuit est un concert de ronflements. Impossible de dormir. Je ne suis pas le plus à plaindre, JB et Christophe se partageront un matelas rudimentaire alors que le mien est beaucoup plus épais. Les filles sont 5 sur 3 matelas et nous paierons l’hospitalité corse au prix fort pour chaque personne. Il faudrait sérieusement revoir le profil des gardiens de refuge car là, ça craint vraiment.
Le lendemain, nos mines sont conformes aux événements des dernières 24 heures, fatiguées sales et peu enclines à la rigolade. Malgré tout, personne ne se plaint. Le groupe est solide et solidaire, j’adore. Nos 2 cousins francophones attaquent déjà les spaghettis bolognaises et partent à l’assaut de la brèche après une clope et un coca. Hallucinant !
Au menu, encore deux étapes aujourd’hui mais le soir, c’est un hôtel/gîte qui nous attend et cela suffit pour remotiver tout le monde.
Jour 5 : Petra Piana – Onda – Vizzavona
On remet les chaussures trempées et on repart. Je crois que c’est le moment que je déteste le plus...
Ca commence mal, la descente est raide, humide et casse gueule. Le matin, à froid, les genoux n’apprécient pas. D’ailleurs, ils commencent à couiner sérieusement, ceux là. Un ruisseau s’invite dans le chemin et achève de mouiller ce qui ne l’est pas encore, c'est-à-dire rien. Nous franchissons une raide montée pour arriver au refuge de l’Onda. Pendant la montée, un autochtone avec son cheval nous conseille de faire vite car des orages sont prévus dans l’après-midi. Encore un qui veut nous rassurer pour la suite… fais chier merde ! La montée est rude mais les jambes suivent, j’ai encore 2 min de retard sur Anne Paule.
Le groupe investit le refuge pour préparer à manger. Au menu, les 1,5kg de pâtes que Jean-Michel a porté (merci Jean-Michel) préparées par Christophe d’une main de maître (merci Christophe) et servies par Anne-Paule (merci Anne-Paule). Ca fait du bien. La pluie se remet à tomber fortement… merde fais chier !
Nous partons pour un gros dénivelé sous la pluie. D’ailleurs, elle ne nous quittera quasiment plus. Objectif, la crête de Muratellu 600m plus haut. L’avantage avec les montées raides, c’est que le dénivelé défile à toute berzingue. Mon GPS s’affole pour mon plus grand bonheur. Après un passage sur la crête à faire du rodéo dans les rochers, nous abordons une descente vertigineuse vers Vizzavona. Rocher, eau, c’est 1100 mètres plus bas que nous trouverons ce havre de paix et son confort.
La descente est interminable mais superbe. C’est une succession de plateaux rocheux que nous franchissons par paliers successifs, le tout le long d’une rivière. La vallée est encaissée et splendide. Nous croisons quelques salamandres orange et noires.
La fin de la descente est un chemin de balade familial à l’opposé de ce que nous avons eu jusqu’à maintenant. Nous arrivons le soir à Vizzavona vidés mais contents. Particularité des lieux, une gare, un hôtel et un gîte d’étape, un début de civilisation bienvenu pour nous. Nous intégrons le gîte pendant 5 minutes pour finalement aller à l’hôtel. Après le refuge de Pietra Piana, nous avons bien mérité une nuit dans un grand lit douillet précédé par une douche bien chaude, un véritable luxe, le bonheur total. Anne-Paule apprécie… et moi aussi. Je ne pourrai même pas apprécier le cadeau d’anniversaire d’Anne-Paule car elle l’a perdu au gîte d’Asco. Merde fais chier !
Jour 6 : Vizzavona – E.Capanelle
Le lendemain, Jean-Michel nous quitte, genou en vrac et quadriceps douloureux. Les étapes ont été éprouvantes pour les organismes, on ne peut pas lui en vouloir. Eric le rejoindra un peu plus tard, ne pouvant plus supporter la douleur des ampoules aux pieds. Il faut dire qu’il s’est fait une spécialité dans le mouillage des chaussures en passant sur les gués des rivières. Pour une première, il a fait preuve d’une belle ténacité (NDLR cf. la rivière, 2 pages + haut).
Nous en avons néanmoins fini avec le GR20 nord, c’est le sud qui nous attend et le changement de décor est saisissant. Les chemins sont plats, avec beaucoup moins de rocaille. La forêt de pins de Vizzavona est superbe. D’ailleurs, je me demande si on a croisé un seul coin moche pendant cette rando.
Yolande et Valérie ont décidé de prendre une variante avec des marques rouges alors que nous suivons depuis le départ des marques rouges et blanches : 40 min perdues pour elles.
Même si le chemin est plus facile, c’est une belle montée de plus de 700m D+ qui nous attend pour arriver au col à Bocca Palmente. En sous-bois sur la 1ère partie, elle se termine sur la rocaille en plein air. Malgré tout, elle passe assez bien. Le temps se couvre comme à chaque fin de matinée.
Après une belle descente, nous remontons vers le refuge d’E Capanelle. Nous arrivons sous la pluie et décidons une fois de plus, de ne pas doubler. Décidément la météo ne nous aura pas été favorable.
Le bar du refuge est assez accueillant. Nous sommes quasiment les premiers et nous obtenons des places dans une espèce de petite cabane glaciale. Prévue à l’origine pour 8 personnes, nous serons 9 à l’occuper. J’ai l’impression de dormir dans un garage. Nous passerons l’après midi dans le bar à attendre que le temps passe. Dehors, il pleut sans arrêt. Lamia en profite pour s’écorcher le genou en allant prendre sa douche.
Je commence à en avoir marre. La météo et les conditions d’hébergement pèsent sur mon moral. Nous décidons d’en terminer avec le GR20 le lendemain. Nous ferons encore une étape jusqu’au refuge de Prati puis nous prendrons une variante pour redescendre jusqu’à la côte. La ½ journée perdue le 2ème jour et cette ½ journée ne nous permettront pas d’aller au bout.
Jour 7 : E.Capanelle – Prati – Retour sur la côte
L’étape ne me laissera pas un souvenir impérissable. Un chemin relativement plat qui serpente à flanc de montagne et dans la forêt. Rien de bien folichon ou alors suis-je tout simplement blasé ou trop fatigué pour apprécier ? En revanche on termine par une belle montée de 600m D+. Comme dab AP part à son rythme, une vraie machine à grimper. Quand je la regarde, je n’ai pas l’impression qu’elle force et pourtant, les pas s’enchaînent avec une belle régularité. Elle arrivera encore avec ses 2 minutes d’avance. J’ai coincé sur les derniers 100m, obligé de faire quelques courtes pauses pour souffler. Nous arrivons à Bocca d’Oru.
Nous poussons jusqu’au refuge de Prati un peu plus bas et le gardien nous permet de déjeuner car une fois de plus, il pleut. Puis, nous prenons la variante, une longue descente ennuyeuse à souhait. Enfin ce qui m’ennuie surtout, c’est de quitter le GR20 sans l’avoir exploré jusqu’au bout. Je regrette déjà ses paysages somptueux et ses rochers. J’en ai déjà oublié ses inconvénients. Rarement les émotions ont été aussi fortes et le dépaysement aussi total. J’ai l’impression d’abandonner une course.
Au bout de la variante, c’est 20km de route qui nous attendent. Autant mes chaussures de rando étaient parfaitement adaptées aux chemins du GR20, autant sur la route, je souffre le martyre. Quelques heures plus tard et les pieds explosés, nous arrivons à l’hôtel. A 5km de l’arrivée, Jean-Baptiste écourte mon calvaire en allant chercher les retardataires avec la voiture d’une des serveuses.
Jour 8 : le retour sur Paris
Nous passons la matinée dans une petite ville dont j’ai oublié le nom. L’ambiance est radicalement différente. Il fait beau et chaud. Ca sent l’été et les vacances à la mer. C’est l’autre visage de la Corse et il semble tout aussi sympa. Après une matinée à flâner et à faire des emplettes, nous repartons vers Bastia pour un retour sur Paris dans la soirée.
Conclusion :
C’est la rando qui m’a le plus marqué, physiquement et psychologiquement. Trois semaines après, j’avais encore les genoux douloureux. La semaine qui a suivi, j’étais très fatigué et mes rêves étaient toujours peuplés de montées…
Mais le jeu en vaut la chandelle, c’est très beau, varié et l’immersion est totale. Ce fut un plaisir à l’état pur et une vraie tranche d’aventure. J’y retournerai sans aucune hésitation.
Je remercie et félicite Jean-Baptiste pour la balade dans des conditions pas toujours évidentes. La gestion d’un groupe de 11 personnes est une grosse responsabilité. Enfin, j’ai commencé ce récit avec Anne Paule, je le terminerai avec elle en la remerciant pour son soutien dans les moments difficiles.